La discopathie dégénérative

disque sain et discopathie dégénérative

La discopathie dégénérative (ou dégénérescence discale) est un processus de détérioration progressive du disque intervertébral.  Il s’agit d’un sujet complexe mais primordial si vous vous intéressez aux causes réelles et scientifiques du mal de dos.

Avant d’en arriver à une hernie discale et de créer d’importantes douleurs, le disque subit plusieurs phases de détérioration.  La vascularisation sanguine déficiente, les changements cellulaires, la génétique et les habitudes de vie sont autant de facteurs qui influencent la progression de la discopathie.

Discopathie dégénérative,

version ultra-simplifiée

Le disque intervertébral perd son principal apport sanguin dès les dix premières années de notre vie.  Grandement limité en nourriture, qui est fournie par le sang, le noyau du disque a de la difficulté à maintenir ses cellules en vie.

Avec des cellules nucléaires affamées et en mauvais état, le noyau ne peut plus synthétiser les protéines nécessaires pour retenir l’eau.

Retenir l’eau est nécessaire pour maintenir la pression interne du disque intervertébral.  En perdant cette pression hydrostatique (à base d’eau), le noyau du disque intervertébral perd en efficacité. Il peine à supporter le poids et les mouvements du corps.

Il transfère alors sa charge vers l’anneau fibreux, qui perd de sa hauteur, se déchire et entraîne une cascade d’événements dégénératifs.

Hernie discale, hypertrophie des facettes vertébrales, sténose latérale, sténose centrale, disruption interne du disque…

Bienvenue dans le monde de la discopathie dégénérative !

Pour s’y retrouver plus facilement, mieux vaut diviser les causes de la discopathie dégénérative en trois.

1. L’approvisionnement sanguin difficile

2. La glycation

3. Les autres facteurs


1. L’approvisionnement sanguin difficile

La perte d’apport sanguin externe

Toutes les cellules du corps humain ont besoin de sang pour se nourrir.  Cerveau, foie, muscle, cartilage, toutes les cellules, sans exception, ont besoin de nutriments et d’oxygène pour vivre et fonctionner normalement.

Malheureusement toutefois, les cellules du disque intervertébral sont pauvrement approvisionnées en sang, ce qui explique en grande partie pourquoi les maux de dos sont si fréquents.  Si l’on voulait résumer le mal de dos, on pourrait le faire ainsi : le disque intervertébral est mal nourri.

À la naissance, le disque intervertébral est approvisionné de deux façons:

  • la vascularisation interne
  • la vascularisation externe

La vascularisation interne achemine le sang au disque en passant par l’intérieur de la colonne vertébrale.  La vascularisation externe se connecte directement aux disques intervertébraux.

Toutefois, et c’est là un événement important pour le dos, la vascularisation externe prend fin au cours de la première décennie de notre vie.  Il s’agit d’un processus normal de croissance, mais qui marque tout de même le début de la dégénérescence discale.  En clair, cela signifie que le disque n’est plus alimenté par deux sources, mais par une seule.  Et oui, la discopathie dégénérative commence avant même l’âge de dix ans ! (1)

Avec la perte d’apport sanguin externe, le disque intervertébral reçoit son approvisionnement sanguin uniquement de l’intérieur de la colonne vertébrale.  Le sang doit donc passer par l’intérieur de la vertèbre jusqu’au plateau vertébral pour être ensuite diffusé à l’intérieur du disque.

Notez que le plateau vertébral est une part intégrante du disque intervertébral, située à la jonction de la vertèbre et du disque lui-même.   Ce plateau vertébral comprend des pores qui agissent comme un filtre.  Le sang qui provient de l’intérieur de la colonne vertébrale doit donc passer au travers des pores du plateau vertébral avant d’être diffusé goutte à goutte au niveau du disque.

Bref, en raison de ce trajet sanguin compliqué, le noyau du disque reçoit trop peu de sang et commence à se détériorer.  De façon simple, le disque intervertébral est condamné à mourir de faim.

vascularisation du disque intervertébral

Lors des premières années d’existence, le disque intervertébral est approvisionné à la fois par l’extérieur et par l’intérieur.  Par l’extérieur, les vaisseaux sanguins entrent directement dans le côté de l’annulus du disque.  Par l’intérieur, le sang passe par la vertèbre et se rend au plateau vertébral avant d`être diffusé dans l’annulus et le nucleus.

Les conséquences biomécaniques de la vascularisation difficile.

Quand les cellules du noyau sont en santé, elles produisent des protéines (les protéoglycanes) qui agissent comme une éponge.  Ces protéoglycanes sont en quelque sorte des aimants qui retiennent l’eau au milieu du disque intervertébral, ce qui lui permet de supporter des charges importantes.

Quand les cellules du disque manquent de sang, elles meurent progressivement (2) et ne peuvent plus synthétiser de protéoglycanes.  Le noyau du disque ne peut alors plus retenir l’eau et ne peut plus maintenir sa pression hydrostatique.  Plus un noyau discal s’assèche (parce qu’il reçoit trop peu de sang et qu’il ne peut plus retenir l’eau), moins il peut supporter le poids du corps et jouer son rôle d’amortisseur.

Si vous essayez de rouler sur un pneu dégonflé, le caoutchouc se détériorera très rapidement.  De la même façon, quand un noyau discal perd sa pression hydrostatique, le disque se dépressurise et c’est l’anneau fibreux qui doit assumer le surplus de travail.

Le reste de la dégénérescence discale est une affaire de biomécanique.  Le poids du corps est transféré sur l’anneau fibreux ainsi que sur les facettes vertébrales.  Soumises à un stress mécanique trop grand, ces structures se dégradent rapidement :

  • L’anneau fibreux peut alors déchirer et faciliter un bombement ou une hernie discale.
  • Le disque s’amincit et l’espace entre les vertèbres diminue. Cet amincissement contribue au phénomène de sténose latérale, très associée dans les douleurs sciatiques et les irradiations au bras.
  • Les facettes vertébrales s’hypertrophient (grossissent) et deviennent plus sensibles.
  • L’hypertrophie des facettes contribue aussi au phénomène de sténose latérale.

Anatomie du disque intervertébral

Vue sagittale d’un disque intervertébral adolescent.

Notez l’apparence aqueuse et limpide du nucleus pulposus, en plein milieu de l’image.  Un disque intervertébral en santé produit des protéines qui retiennent l’eau au milieu du disque, ce qui lui permet de supporter des charges importantes.

Le disque intervertébral est composé de trois structures distinctes mais intimement reliées.

  • Le plateau vertébral (situé à la jonction du disque et de la vertèbre; surtout responsable de la nutrition du disque.)
  • Le noyau discal (nucleus pulposus, responsable de supporter le poids du corps.)
  • L’anneau fibreux (annulus fibrosus, responsable de maintenir le noyau au centre et de permettre la flexibilité entre les vertèbres.)

La cascade dégénérative

Perte de vascularisation externe du disque intervertébral

Famine et dégradation des cellules du noyau discal

Incapacité de synthétiser les protéoglycanes

Incapacité de retenir l’eau à l’intérieur du disque intervertébral

Dépressurisation du noyau du disque intervertébral

Dessiccation et amincissement du disque intervertébral

Transfert de charge sur l’anneau fibreux et les facettes vertébrales

Stress mécanique et changements dégénératifs associés

Déchirure annulaire, hernie discale, sténose, compression radiculaire…

Douleur

hydratation du disque intervertébral

IRM en vue lombaire sagittale où l’eau ressort en blanc.  Notez le disque intervertébral bien hydraté (très blanc) entre L3 et L4.  Notez aussi la déshydratation entre L4-L5 et L5-S1, bien visible par l’aspect noir des disques.

2. La glycation

Il existe aussi une autre cause pour expliquer le vieillissement naturel du disque intervertébral. Il s’agit d’une réaction connue sous le nom de glycation. Elle porte parfois le nom de réaction de Maillard, ou encore de glycation non enzymatique des protéines.

Pour résumer très simplement, le phénomène de glycation est un processus de vieillissement accéléré, qui survient lorsque les cellules vivent dans un environnement pauvrement oxygéné.

Puisque les cellules du disque intervertébral reçoivent peu de sang (comme nous l’avons vu plus haut), elles vivent dans un milieu faible en oxygène. Elles sont donc soumises à une réaction biochimique entre certains sucres et certaines protéines. Cette réaction détériore les cellules du disque.

La glycation est donc un phénomène biochimique qui fait vieillir les cellules plus rapidement. Le disque devient alors plus fibreux et perd de ses propriétés.

La glycation est donc une des causes de la discopathie dégénérative.

glycation et discopathie

L’apparence brunâtre du nucleus est un signe de dégénérescence dû au phénomène de glycation

3. Les autres facteurs

Tous les êtres humains sont soumis au vieillissement et à la dégénérescence discale. Mais tous ne développeront pas les mêmes symptômes. Alors que la perte de vascularisation discale et la glycation sont des phénomènes de vieillissement qui touchent tout le monde, d’autres facteurs peuvent aggraver la discopathie dégénérative.

La génétique(3,4, 5)

Vous n’avez malheureusement pas le contrôle sur cet aspect, mais la génétique joue un rôle primordial dans l’apparition des douleurs chroniques dues à la discopathie dégénérative. Si un membre proche de votre famille souffre d’arthrite ou de problèmes discaux, vous avez beaucoup plus de chances de souffrir de discopathie dégénérative. Environ 10% de la population développe des problèmes de douleurs chroniques liées à la discopathie dégénérative.

Les traumas(6,7,8)

Une fracture du plateau vertébral ou une déchirure annulaire traumatique peuvent grandement accélérer le phénomène de discopathie dégénérative. Soulever un objet très lourd ou soulever un objet modérément lourd de façon répétée pourraient occasionner ces blessures. Si le noyau du disque se dépressurise en raison d’un trauma mécanique, il devient incapable de produire les protéoglycanes nécessaires au maintien de la pression hydrostatique. La dégénérescence discale s’ensuit…

Le mode de vie

Parmi les plus grands facteurs induits de discopathie dégénérative, on retrouve:

  • le tabagisme, (9) qui influence l’apport sanguin à l’intérieur des disques
  • l’obésité, qui augmente le stress mécanique
  • les habitudes de travail puisque soulever des charges ou être soumis à des vibrations constantes pourraient accélérer la dégénérescence discale. (7,10)
  1. Boos N, et al. « Classification of age related changes in lumbar intervertebral discs. » 2002 Volvo award in basic science, Spine 2002: vol. 27, no. 23, pp. 2631-2644
  2. Horner HA, Urban JPG, “ Effects of nutirient supply on the viability of cells from the nucleus pulposus of the intervertebral disc.” Spine 2001: 26 (28) : 2543-2549
  3. Keikkila JK, et al. “ Genetic and environmentalfactors in sciatica.  Evidence from nationwide panel of 9365 adult twin pairs. “ Ann Med 1989; 21: 393-398
  4. Matsui H, Kanamori M, et al, “ Familial disposition for lumbar degenerative disc disease. Spine 1998 ; 23: 1029-1034
  5. Videman T, et al. Intragenic polymorphism of the vitamin D receptor gene associated with intervertebral disc degeneration. Spine 1998; 23: 2477-2485
  6. Adams MA, et al “ Stress distribution inside intervertebral discs: the effects of age and degeneration.” J Bone Surg BR 1996 ; 78: 965-972
  7. Adams MA et al. Mechanical initiation of intervertebral disc degeneration. Spine 2000 ; 25 (13): 1625-1636
  8. Bogduk MC, Adams M, et al. The biomechanics of back pain. Churchill Livingston 2002 ; London 1st edition : 62-71
  9. Battie MC, et al Smoking and lumbar intervertebral disc degeneration: an MRI study od identical twins Spine 1991; 16: 1015-21
  10. Luoma K, et al. “ Low back pain in relation to lumbar disc degeneration” Spine 2000 ; 25(4) 487-492